L’artiste

mar aurele fortin - 1934
Marc-Aurèle Fortin (Sainte-Rose, 14 mars 1888 – Macamic, 2 mars 1970)

Sa vie

Enfance, formation et débuts de carrière

Marc-Aurèle Fortin naît le 14 mars 1888 à Sainte-Rose (Laval). Sa mère, Amanda Fortier et son père, Thomas Fortin, avocat, futur juge et député libéral, auront quinze enfants, mais sept d’entre eux mourront en bas âge.

Ses premiers cours de dessin et de peinture, Fortin les suit à l’Académie commerciale catholique de Montréal et au Monument-National entre 1901 et 1904. En 1909, il décide de poursuivre sa formation artistique en s’inscrivant au Chicago Art Institute, mais il n’y reste qu’à peine deux trimestres. Il revient à Montréal en 1910 et se trouve un emploi de commis aux Postes. Pendant ses temps libres, il peint. Il est à la recherche d’une interprétation différente de la nature québécoise qui réussira à capter l’âme de son pays.

Famille Fortin

Les grands arbres, l’aquarelle et la reconnaissance

À partir des années 1920 se dessine enfin chez l’artiste un style nouveau. Les ormes géants qui ombragent alors les routes de campagnes du Québec exercent sur l’artiste une étrange fascination, tout comme les peupliers et les érables aux ramures immenses. Il choisit de les représenter en accordant une attention particulière à leurs feuillages vibrants qu’il détaille sur une grande partie de sa toile. Naissent alors sous son pinceau ses premiers tableaux de sa série dite des grands arbres.

Vers la même époque, il peint ses aquarelles lyriques aux arbres troués tels des éponges aux couleurs flamboyantes. Il réalisera dans ce style de nombreux paysages de Laval et du nord de Montréal ainsi que des vues du port de Montréal depuis l’île Sainte-Hélène. Dans la deuxième moitié des années 1920, Fortin commence à créer de splendides aquarelles pures. Il peint à l’aide de cette technique de nombreux paysages ruraux, mais aussi des vues de la ville de Montréal alors en grande transformation : le quartier Hochelaga qui s’urbanise et le port de Montréal qui s’industrialise et se développe vers l’est. De ces paysages urbains, il tirera également ses premières eaux-fortes en 1930.

Marc-Aurèle Fortin 1945
Marc-Aurèle Fortin à la galerie l’Art Français, en mai 1945
À la fin des années 1920, Fortin commence à jouir d’une réputation enviable auprès des critiques et des autres acteurs du milieu culturel. Il expose régulièrement et on commente généralement favorablement ses œuvres qu’on reproduit même à l’occasion dans les journaux. En 1930, la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada) sera la première institution muséale à se porter acquéreur de l’une de ses œuvres, une aquarelle d’Hochelaga. Suivra ensuite l’Art Gallery of Toronto (actuel Musée des beaux-arts de l’Ontario) en 1935, puis le Musée de la province de Québec (actuel Musée national des beaux-arts du Québec) en 1937.

Les voyages, les nouvelles techniques et la notoriété

En novembre 1933, Fortin réalise un voyage de près de 4 mois en France. À son retour, il déclare que l’avenir de la peinture est en Amérique. Toutefois son style s’est transformé. Fortin révèle alors son esprit innovateur en concevant une technique qui consiste à peindre sur des fonds gris « pour décrire l’atmosphère chaude des ciels du Québec » et sur des fonds noirs pour « intensifier la relation entre l’ombre et la lumière ». Les œuvres qui en résultent seront remarquées par les critiques pour leurs qualités décoratives qui souvent les éloignent d’une représentation réaliste, allant même, dans certains cas, jusqu’à frôler l’abstraction.

En 1936 commence pour le peintre une série de voyages estivaux qui le mèneront dans la région de Québec et de l’île d’Orléans, puis dans celle de Charlevoix. Au début des années 1940, ce sera la Gaspésie qui attirera Fortin et dans la seconde moitié de cette décennie, le Saguenay. Il ramènera de toutes ces régions quantité d’aquarelles dont il créera de nombreuses variantes en atelier.

Marc-Aurèle Fortin début des années 1910.
Marc-Aurèle Fortin à L’Arche, début des années 1910. (Au centre, derrière)

Cherchant toujours à se renouveler et à expérimenter des techniques différentes, Fortin s’adonne aussi au dessin et exploite les possibilités du pastel, du fusain et des crayons de couleur. À la fin des années 1930, il se mettra à rehausser au fusain, au crayon Conté et au pastel ses aquarelles pour créer ce que l’on nomme ses aquarelles mixtes, puis à la fin des années 1940, l’artiste découvrira la caséine (sorte de détrempe à base de lait) dont il exploitera la fluidité sur de grands supports de bois entre autres.

Fortin est alors au faîte de son talent et il continue d’obtenir au cours de cette période des marques de reconnaissance de la part du milieu de l’art québécois. En 1938, il remporte le Prix Jessie Dow; en 1942, il est reçu membre associé de l’Académie royale des arts du Canada; à partir de 1943, il est représenté par la galerie L’Art français qui se charge de la vente ainsi que de la promotion de ses œuvres. Il fera par ailleurs l’objet de sections dans plusieurs ouvrages significatifs sur la peinture canadienne

Le déclin de la santé, l’exploitation puis la délivrance

Au début des années 1950, se sentant vieillir et affecté de plus en plus par un diabète mal soigné, le peintre décide d’engager Albert Archambault pour s’occuper de son atelier. En 1955, il en fait son mandataire et fondé de pouvoir. Il confie alors à la garde de celui-ci de nombreuses œuvres qui seront soit vendues à vil prix ou jetées sans discernement. Le maître qui n’avait rien d’un fabricant se voit même contraint par son « gérant » à reprendre ses pinceaux. Mais il peint alors sans la conviction et la passion qui l’animait auparavant.
Marc-Aurèle Fortin, vers 1934
Marc-Aurèle Fortin, vers 1934

Amputé des deux jambes et presque aveugle, l’artiste est alors entièrement dépendant d’Archambault qui le garde dans des conditions exécrables. En 1966, des journalistes apprennent l’état pitoyable dans lequel se trouve Fortin et le scandale éclate : « Pas encore mort, les vautours se disputent déjà l’héritage du grand peintre Marc-Aurèle Fortin », « Millionnaire, Marc-Aurèle Fortin est prisonnier de la misère à Sainte-Rose » titrent les journaux.


En 1967, profitant du fait que les biens d’Archambault allaient être saisis pour dettes impayées, René Buisson, un ami et collectionneur du peintre, se rend à son domicile et réussit à le libérer de son mandataire. Il le transporte ensuite à Macamic en Abitibi où il sera soigné dans un sanatorium. Marc-Aurèle Fortin s’éteindra paisiblement le 2 mars 1970.